mardi 2 décembre 2008

Concert de Noël


jeudi 30 octobre 2008

Avis de recrutement!


L'image, le langage et l'école

Robert Chièze
L'image, le langage et l'école
Sur les effets de la télévision

Dans un article intitulé « Comment comprendre la désaffection des jeunes à l'égard des sciences ?», d'un numéro précédent de cette revue (1), Marie-Claude Blais fait une présentation du problème qui me paraît remarquable : complète, bien documentée, solidement argumentée et, enfin, très éloignée des considérations fatalistes traditionnelles, qu'une évolution des représentations de la science dans nos sociétés semble alimenter. Elle écrit, à propos des observations des enseignants, sur lesquelles elle s'appuie : " Il est frappant de voir que celles-ci tournent autour du même diagnostic : les élèves d'aujourd'hui ont de grandes difficultés avec l'abstraction, avec l'imagination et avec la mémorisation e, puis, un peu plus loin : " Le mot d'ordre semble être la spontanéité : "J'écris comme cela me vient à l'esprit." »
De fait, nous sommes en train de constater, tous, enseignants, chercheurs, penseurs de l'éducation, que les rapports aux langages se sont profondément transformés. Enseignant de mathématiques de 1965 à 2003, j'ai relevé vers le milieu des années 1980 l'apparition d'une nouvelle forme de "résistance" aux apprentissages scolaires chez les élèves de collège : ils n'accordaient plus aux symboles la même importance que dix ans plus tôt, malgré mes exigences, au moins aussi fortes quant à la mémorisation. Par la suite, ce phénomène s'est accentué de façon rapide et très intense. Aujourd'hui, et depuis déjà quelques années, il se manifeste de façon très nette, notamment :
- par des difficultés dans la reconnaissance des signes (j'ai eu vite la conviction que des phénomènes extérieurs à l'école détruisaient constamment une partie du travail effectué en classe, en ramenant sans cesse l'élève à une perception trop globale, sensible notamment dans le calcul numérique et algébrique) ;
- par un besoin d'" immédiateté », qui se traduit par des résistances lourdes dès qu'il faut élaborer méthodiquement des solutions en mettant en application des savoirs, des savoir-faire et des raisonnements;
- par une déstabilisation, sans cesse renouvelée, des capacités d'attention, de concentration et d'écoute dans toutes les situations d'apprentissage, s'associant chez certains, de plus en plus nombreux, à un besoin très fort de se mettre en scène;
- par de véritables blocages : trop d'élèves entretiennent tardivement des perceptions fortement erronées de l'espace et du temps, dont l'incidence sur les représentations concep­tuelles constitue un très lourd handicap, notamment dans l'assimilation du système décimal et, conjointement, dans celle des systèmes de mesure nécessaires à l'initiation aux sciences;
- par un recul de plus en plus prononcé et généralisé par rapport aux utilités externes des apprentissages scolaires, alors que les programmes sont de plus en plus conçus pour don­ner aux savoirs enseignés une apparence d'utilité externe immédiate.
J'ai donc progressivement acquis la conviction que mon travail d'enseignant, qui me paraissait pourtant être un assez bon compromis entre des exigences traditionnelles et une attention soutenue aux difficultés individuelles de mes élèves, se heurtait à une " culture extérieure », de plus en plus puissante.
Mon questionnement s'est très vite dirigé vers la télévision. La question des effets de la télévision est devenue avec le temps un phantasme de salle des profs. Pourtant, vers le milieu des années 1980, dans une enquête effectuée à la demande du ministère de l'Éducation nationale, Jacques Lesourne écrivait: « Les mauvais résultats en matière de lecture viennent du fait que les enfants assimilent une multitude de langages incompatibles entre eux. Celui de la télévision et des jeux vidéo, par exemple, est un langage inorganisé, a-conceptuel, qui est à l'opposé du mode de savoir exigé et dispensé par l'école. Cette enquête semble être tombée dans les oubliettes. Que s'est-il passé depuis? Qu'a-t-on fait ?
Le problème n'est pas celui de la qualité des émissions. Cette approche de la question ne conduit à rien. Son impuissance a fini par installer le doute, l'acceptation passive et la résignation. Il faut remonter plus haut, à la nature même de ce que véhicule la télévision. Elle est d'abord faite d'images. Sans images, pas de télévision. Notre hypothèse est que c'est dans la nature de ses images que se situent les origines de notre problème. Ces images, globalement, sont de conception photographique. Si, depuis les années 1980, les rapports aux langages, c'est-à-dire principalement à la langue maternelle et aux mathématiques, se sont profondément transformés sous les effets des images de la télévision, c'est parce que ces images sont de conception photographique. Comment les images de la télévision peuvent-elles intervenir sur les rapports aux langages au point de modifier en profondeur ceux qui, dans nos sociétés, s'étaient constitués au cours de l'histoire? Voilà ce qu'il s'agit d'établir.

L'image de conception photographique

Au début du xxe siècle, Charles Sanders Peirce, « inventeur » de la sémiotique, a défini trois niveaux de représentation.
Le premier niveau est celui des index (ou indices) : c'est celui des " signes » (ou représenta­tions) qui se réalisent par connexion réelle (ou connexion physique) avec ce qu'ils représentent, appelé le référent. Les empreintes, par exemple, sont des index.
Le deuxième niveau est celui des icônes. Cette catégorie est celle des " signes " qui n'entretiennent avec leur référent, l’objet» représenté, que des relations de ressemblance (mais elles peuvent être complexes). Les arts plastiques traditionnels, c'est-à-dire la peinture, le dessin, la sculpture... appartiennent, de façon générale, à cette catégorie. Il faut y ajouter la musique.
Le troisième niveau est celui des symboles c'est celui des " signes " qui sont associés à ce qu'ils désignent par l'intermédiaire d'une convention générale. Les lettres, les mots, les phrases, les nombres... sont des symboles. Dans les années 1970 et 1980, les débats sur la place de la photographie dans les arts plastiques ont rappelé et souligné avec insistance que la photographie ne peut qu'appartenir au premier niveau de représentation, celui des index. Peirce lui-même classait déjà la photographie dans les index. L'apport des technologies modernes ne change rien à ce statut. Globalement, d'un point de vue scientifique, les images de la télévision, comme celles du cinéma et de la vidéo, ne peuvent être que des images de conception photographique.
Avec l'invention de la photographie sont donc apparues pour la première fois dans l'histoire de l'humanité des images réalisées sans la mise en œuvre de codes spécifiques et fondamentaux pour les interpréter. Depuis les cavernes, tout au long de son histoire, jusqu'à l'invention de la photographie, l'homme n'a eu à sa disposition pour s'exprimer que des outils permettant de réaliser des représentations par des symboles ou par des ressemblances. Notre langue maternelle, par exemple, utilise des lettres, des mots, des signes... Elle met en œuvre des symboles qui sont associés à ce qu'ils représentent par des conventions. Notre langue maternelle est donc un langage. Il en est de même pour nos systèmes de numération, pour les mathématiques. Le peintre, le dessinateur, le musicien, le sculpteur ne sont pas des automates. Être capable d'exécuter un dessin, un tableau exige toujours des apprentissages souvent difficiles. Pour produire une œuvre accessible à un public, il faut posséder des savoirs, des savoir-faire, connaître des codes. La peinture, le dessin sont des modes de représentation qui accèdent donc, eux aussi, au statut de langage. En revanche, l'image de conception photographique, quel que soit le média qui la véhicule, reste l'empreinte d'un fragment d'espace et de temps réalisée essentiellement par des procédés physico-chimiques, sans que les codes spécifiques nécessaires puissent réellement modifier ce statut d'empreinte. Les appareils utilisés pour prélever les empreintes laissent peu de possibilités d'intervention, par comparaison avec ce que peut faire un peintre. Le cadrage et le choix de l'instant ne sont pas réellement des instruments de codage. Comme l'a parfaitement montré Roland Barthes (pour la photographie), ces images ne peuvent pas représenter la réalité par « interprétation " comme le font les symboles (mots, phrases, nombres...), par l'intermédiaire de conventions, et les icônes (peintures, dessins...), par l'intermédiaire de ressemblances et de codes. Quel que soit le « travail » qui, à travers nos perceptions d'adulte, vient se placer derrière les images de la télévision, du cinéma ou de la vidéo, pour nos enfants, ces images fonctionnent comme des empreintes.
II faut donc enfin admettre qu'une image de conception photographique ne se lit pas, et, impérativement, cesser d'employer, à son égard, le mot de " lecture ". Car il évoque dans le langage courant un processus de reconnaissance portant sur des symboles et non des indices, associé à un processus de traduction et d'interprétation par le biais de conventions s'enchaînant de façon complexe. Comme le dit John Berger (écrivain anglais et... photographe), " la photographie ne traduit pas les apparences, elle les cite (2)». En effet, qu'elle soit fixée sur les murs des galeries ou mobile à travers l'écran de télévision, l'image de conception photographique restitue toujours mécaniquement l'empreinte d'un fragment d'espace et de temps appartenant au passé, réalisée de façon très automatisée par des procédés physico-chimiques. En outre, sa reproduction et sa diffusion sont extrêmement faciles. Dans le cas général, et surtout au niveau qui nous intéresse ici, la reconnaissance des contenus n'est pas un acte de lecture. Même si elle fait parfois appel à la réflexion (mais la télévision laisse peu de temps), aux souvenirs, cette reconnaissance s'effectue selon des procédures très différentes des procédures intellectuelles mises en œuvre par une description écrite. Il n'y a ni lecture ni traduction. Reconnaître quelqu'un sur une photographie ou sur l'écran de télévision est bien sûr un acte culturel, mais les compétences nécessaires ne reposent pas sur des formations à caractère intellectuel et scolaire. Elles se développent de façon naturelle dans le milieu où l'on vit. La reconnaissance d'un contenu se situe au niveau des effets : effets de ressemblance, effets de dissemblance. L'image de conception photographique ne fait que déplacer des empreintes dans le temps et dans l'espace. Elle établit bien des rapports avec la mémoire, mais ses interventions dans les procédures intellectuelles sont très différentes de celles des autres modes de représentation.

Premières incidences

L'image de conception photographique, par son statut, a profondément modifié les rapports à l'histoire et même, de façon encore plus générale, à la connaissance. Depuis son invention, la photographie reste une « boîte noire », et l'opacité des techniques mises en œuvre entretient une méfiance latente, elle aussi très forte. Les possibilités offertes aujourd'hui par l'informatique ne sont pas de nature à calmer cette méfiance. Il parait possible, toutefois, de dégager trois conséquences de la diffusion massive de ce type d'images.
1) Par le biais de la télévision, l'image de conception photographique a fortement accéléré une transformation en profondeur des rapports du peuple à l'histoire. Jusqu'au XVIIIe siècle, et même encore pendant tout le XIXe et une partie du XXe pour une majorité de la population, la connaissance de l'histoire ne pouvait se transmettre que traduite, interprétée par ses reliques, ses monuments, la peinture, le dessin, la sculpture, la musique et, surtout, l'écrit. Mais aujourd'hui, à travers l'actualité, l'histoire est livrée au jour le jour, à l'état brut, sans l'interprétation traditionnelle que les spécialistes lui apportent par l'écriture et avec le temps. Quand un événement est raconté par l'écriture, la parole, le dessin ou la peinture, il est en même temps interprété. Toute description, par exemple, est déjà une interprétation, qui s'impose à celui qui la lit ou la décode. Quand la procédure de communication s'organise autour de citations d'apparences, ces citations sont perçues comme des émanations directes de l'événement. Et, même si l'association discours-citations est nécessaire à un fonctionnement minimal de la procédure (avec au moins la date et le lieu), les citations elles-mêmes s'imprègnent rarement des interprétations qui les accompagnent. Autrement dit, en raison de son réalisme facile à saisir et de sa valeur de preuve, l'image de conception photographique prime toujours sur le discours. Et aucun discours ne peut empêcher le spectateur d'élaborer sa propre interprétation, quand il en a les moyens, ou quand il croit les avoir.
2) L'image de conception photographique a sécrété des problèmes d'éducation nouveaux, dont il faut prendre conscience. Un petit détour par la question du film de fiction que nous avons laissé de côté jusque-là est ici nécessaire. Dans la perspective qui nous intéresse, un film de fiction est donc un processus de citation d'une mise en scène et du jeu de ses acteurs. La restitution de cette mise en scène et de ces jeux par des images de conception photographique est à l'origine de la nature même du cinéma et de son évolution par rapport au théâtre. Au fil du temps, le mécanisme de la citation a donné au cinéma de fiction une identité différente de celle du théâtre. Cette évolution a été accélérée par les nouvelles technologies. Mais il ne faut pas perdre de vue que son statut actuel, très complexe, est inséparable de son statut initial de processus de citation. L'attention que nous accordons à la mise en scène, aux acteurs et à leurs jeux, aux décors et aux effets spéciaux a tendance à nous le faire oublier. Or cet intérêt est le produit d'un apprentissage long. Pour faire court, nous dirons qu'il relève de l'apprentissage de la vie. En fait, c'est le processus de citation, avec toutes les opportunités qu'il offre dans l'assemblage des scènes, qui permet de donner au cinéma de fictions un réalisme extrêmement puissant. Un réalisme qui, pour les enfants notamment, n'est pas différent de celui du film documentaire. Dans le méli-mélo des programmes et du « zapping », cette association document-fiction crée un mélange de genres qui mérite une attention particulière. Elle me parait être à l'origine de nombreuses formes de comportements a-sociaux, souvent violents. En effet, dans le contexte des modes de vie actuels où le contact avec la réalité s'est fortement affaibli, notamment dans l'éducation des enfants, elle accroît les difficultés de distinction entre la réalité et la fiction, et peut faciliter le passage à l'acte. Car la télévision développe l'imagination, le goût du jeu et du théâtre. Le mélange des genres crée un contexte nouveau qui, de façon générale, incite les jeunes à se mettre en scène (en famille, dans la rue et en classe). N'ayons pas peur de le dire, la télévision possède un réel pouvoir de déséducation, difficile à contrôler en dehors de toute volonté publique et institutionnelle.
3) Étant donné le primat de l'image sur le discours, l'association d'images et de discours dont est faite toute émission de télévision est beaucoup plus souvent qu'on ne l'imagine victime d'un découplage, d'une dichotomie, qui peut se produire lorsque le spectateur identifie mal les images, ou ne comprend pas les discours, ou ne parvient pas à gérer conjointement l'identification des images et l'interprétation des discours. Les enfants sont particulièrement concernés. Mais, comme nous l'avons déjà vu, ce découplage peut aussi être le fruit d'une autonomie incitant le spectateur à élaborer sa propre interprétation, que cette autonomie soit justifiée ou non. Le statut de preuve, indéfectiblement lié à la nature de l'image de conception photographique, ne peut qu'inciter le spectateur à prendre ses distances par rapport aux discours qui l'accompagnent. Ce pourrait être la source du phénomène que nous constatons aujourd'hui, notamment à l'école : l'existence d'une situation de doute, et même de contestation, à l'égard de l'interprétation experte qui se généralise et qui va à l'encontre de l'ensemble des savoirs institués.

Image et mémoire

L'impact de l'image de conception photographique sur la mémoire est particulièrement important pour notre sujet. Il paraît reposer sur au moins quatre « mécanismes d'intervention » très distincts.
1) D'abord, il faut noter que l'image de conception photographique se substitue à la réalité dans notre découverte du monde, de façon très importante. Cette observation peut, pour l'instant, se passer de tout autre commentaire.
2) Son statut d'empreinte l'apparente à un matériau brut, très mal adapté au fonctionnement de la mémoire, notamment aux activités de mémorisation et de restitution volontaire. En revanche, par « l'ouverture », des sensibilités elle se situe à l'origine d'un phénomène de mémorisation involontaire, incontrôlable et anarchique très important. Avec des représentations qui citent les apparences, la fixation des souvenirs ne s'effectue pas de la même façon qu'avec les langages qui les traduisent. Elle est beaucoup plus libre et spontanée. Sans méthode et sans effort particulier, elle ne se maîtrise pas, elle se fait, ou ne se fait pas, de façon plus ou moins inconsciente. C'est que " l'unité de construction et de lecture n'est pas la décision du trait... mais
la plage (4). Sans « traduction ", écrite ou parlée, ce type d'images se dérobe constamment à tout acte volontaire de mémorisation. En effet, selon Jean Piaget, les activités de notre mémoire, comme la perception du monde à laquelle elles s'associent, sont subordonnées aux fonctions accommodatrices des schèmes de l'intelligence. L'utilisation d'un langage bien assimilé, tel qu'une langue parlée et écrite, constitue déjà une mise en œuvre des fonctions accommodatrices les plus courantes de l'intelligence.
3) L'image de conception photographique possède le pouvoir phénoménal de remplacer la mémoire. Parce qu'elle permet de restituer à tout moment une réalité à jamais révolue, ou particulièrement éloignée, elle peut s'inclure dans les procédures intellectuelles en se substituant totalement à la mémoire. Par exemple, le professeur de sciences de la vie et de la terre peut demander à ses élèves pendant une sortie pédagogique de photographier des matériaux ou de filmer un phénomène naturel pour reporter à plus tard les descriptions à effectuer ou... éviter de les faire. L'image de conception photographique permet ainsi de limiter, de retarder ou d'éviter des activités de mémorisation.
4) Elle sollicite la mémoire pour identifier les contenus. Cette identification s'effectue par ressemblance avec ce qui est déjà connu. Elle fait donc intervenir la mémoire par restitution de connaissances. Mais, par opposition aux langages qui traduisent la réalité, l'image de conception photographique par elle-même ne schématise rien. Elle se présente comme une empreinte, comme un matériau brut à peine plus évolué que la réalité représentée. L'identification peut se faire de façon naturelle, mais elle peut parfois être difficile et ne pas se faire.
L'image de conception photographique s'impose donc à la mémoire par des biais différents. Mais elle n'est qu'une empreinte. Malgré ses extraordinaires capacités à apparaître sur les mêmes supports, dans sa construction, en elle-même, elle n'est pas, comme un symbole ou une icône, le fruit d'une activité de restitution mnémonique. Une empreinte de ce type se prélève sur le lieu de l'événement, au moment où il se produit, et témoigne de la présence de son auteur en ce lieu au moment opportun. Toute image de conception photographique est donc indéfectiblement liée à une expérience, et c'est en restant associée à l'évocation de cette expérience qu'elle trouve sa signification. Le discours, réduit éventuellement à l'indication de la date et du lieu, constitue le moyen le plus élémentaire d'en rendre compte. C'est donc dans ses alliances avec l'écrit puis, beaucoup plus facilement encore, avec des dialogues (au cinéma et à la télévision), que l'image de conception photographique devient réellement signifiante.

L'image dans les procédures intellectuelles

Du point de vue pédagogique qui nous intéresse ici, il faut concevoir ce genre d'images comme étant essentiellement un produit de substitution qui permet, dans ses utilisations, de réduire ou de faciliter le déroulement de certaines procédures intellectuelles, en éliminant ou en transformant des étapes. Les propriétés que nous avons isolées permettent de comprendre les effets majeurs de la télévision sur les apprentissages scolaires. L'opposition de la télévision et de l'école est bien une réalité.
1) Devant la télévision le jeune enfant apprend à reconnaître ce qu'il voit sans avoir besoin de le nommer. Il reconnaît par ressemblance, d'abord avec ce qui constitue son entourage, puis avec ce qu'il a déjà découvert, vu ou entendu, à la télévision. Ainsi, sans offrir les possibilités d'abstraction d'un langage, la forme d'accès à la connaissance à laquelle il s'initie n'en constitue pas moins un entraînement de son esprit à des activités de conceptualisation ou de "préconceptualisation » au sens de Piaget. Par exemple, en regardant une émission comme « Trente millions d'amis », l'enfant reconnaît d'abord les chiens et les chats par ressemblance avec ceux qu'il connaît réellement. L'émission retient alors son intérêt et il voit, ensuite, des animaux évoluer dans des situations qui ne sont pas celles où il voit évoluer ceux de son entourage. Il découvre ainsi d'autres êtres vivants qui possèdent, comme les chiens et les chats qu'il connaît, quatre pattes, une queue, un museau, des oreilles, un pelage..., tous les attributs d'un concept'. En rendant le passé aussi sûr que le présent, le lointain aussi proche que ce qui peut être touché, ou encore en provoquant simplement des interrogations, ensuite par leur multiplication, les effets de reconnaissance entraînent l'imagination vers une reconstruction intellectuelle du passé ou du lointain, dans laquelle, nécessairement, s'ébauchent des concepts. En réalité, à ce niveau, la conceptualisation reste incomplète. C'est celui du préconcept. Devant une émission comme "Trente millions d'amis", l'enfant peut, éventuellement, être conduit à " classer» les êtres vivants. Mais les dialogues et les commentaires, trop sophistiqués, lui échappent. II ne peut en retenir éventuellement que quelques mots. Et, même si, par l'alliance des images et de dialogues, la télévision lui permet d'acquérir un peu de vocabulaire oral, cet élargissement des capacités de conceptualisation s'effectue sans les intermédiaires indispensables. II ne s'appuie pas sur des conventions. N'étant pas structuré par un langage adapté à ses capacités, il est nécessairement limité. L'apprentissage d'un langage s'amorce avec des préconceptualisations, mais il se poursuit et s'intensifie par la mise en œuvre des concepts déjà acquis. Les processus de citation des apparences, seuls, ne peuvent donner qu'une idée superficielle des attributs d'un concept, une idée insuffisante pour autoriser la formation d'une définition opératoire de ce concept.
Mais ce phénomène de conceptualisation incomplète engendre à son tour, nécessairement, des motivations à l'égard de ce que le jeune a envie d'apprendre et, donc, des attentes particulières à l'égard de l'école. Mais l'école n'a pas appris à répondre à des attentes de ce genre. Pourtant, l'environnement de l'enfant n'est plus, aujourd'hui, la ferme avec ses animaux et ses outils hérités du XIXe siècle (je fais référence aux rééditions de la méthode de lecture Boscher), mais une réalité complexe médiatisée par la télévision.
La télévision constitue donc pour le jeune enfant un moyen d'émancipation cognitive avec lequel il n'a pas besoin de nommer ce qu'il voit et ce qu'il entend, de le représenter symboliquement. C'est sur cette première forme d'élargissement de sa pensée que naissent et commencent à se développer ses besoins de découverte. Quand il arrive à l'école, ce qu'elle lui offre ne répond pas à ce qu'il en attend réellement, du plus profond de lui-même. Sa petite tête est déjà pleine d'images qu'il ne peut associer aux activi­tés proposées. Il y a rupture. L'école n'est pas pour lui le lieu des apprentissages attendus. Et son niveau de maturité ne lui permet pas d'adapter ses motivations.
Il faut à cet égard cesser de se laisser abuser par la réussite de notre école dans la première moitié du XXe siècle et se décider à ouvrir un peu les yeux. Au regard de l'histoire, sa réussite reste incontestable. Mais son organisation, ses programmes, ses méthodes étaient en corrélation étroite avec le contexte culturel, social, économique et technologique. Même si cette corrélation n'était pas totale, elle était déjà largement suffisante pour entretenir les motivations nécessaires à l'égard des apprentissages intellectuels fondamentaux. Va-t-on enfin sortir des lieux communs pour donner une explication honnête à la réussite de l'école de Jules Ferry, et cesser de l'attribuer, par parti pris idéologique, à une éducation, une forme de docilité que nos sociétés laisseraient s'échapper par l'abandon d'exigences éducatives fondamentales? Même sur cette évolution des comportements vers l'incivisme, vers un manque de respect à l'égard des adultes et des héritages, qui serait due à une dérive des exigences éducatives, à un laxisme dont on rend un peu trop facilement les parents et les enseignants responsables, il est nécessaire de s'interroger, sans contester les faits. La situation est bien réelle. Mais cessons de l'attribuer, exclusivement, aux héritages de mai 68. La télévision n'y est pas étrangère.
2) La télévision développe les sensibilités visuelles et, dans une moindre mesure, les sensibilités auditives, mais elle associe à ce développement une formation (ou contre-formation) particulière des aptitudes intellectuelles. Devant l'image qui cite les apparences, la vue et le cerveau s'entraînent à percevoir des plages et non des lignes, des formes coloriées et non des lettres noires ou monochromes. En outre, les images de la télévision s'effacent rapidement, les formes sont remuantes. Le développement des sens et des aptitudes au travail intellectuel subit, ainsi, une orientation caractéristique vers l'appréhension globale d'indices. Pour les enfants, notamment, la signification de ce type d'image surgit spontanément ou jamais. Elle n'est pas l'aboutissement de raisonnements méthodiques associés à des efforts de mémoire. D'où l'installation d'un conflit permanent entre deux modes d'accès à la connaissance. Dans l'apprentissage d'un langage, les significations s'élaborent à partir de souvenirs, dont la restitution peut exiger des efforts importants, et la mise en oeuvre de raisonnements parfois longs et laborieux qu'il faut, en outre, écrire pour en conserver la trace. Apprendre un langage c'est apprendre à construire des significations. Pour les enfants, l'image qui cite les apparences produit ses effets, et libère déjà un premier volume d'informations sans manifester les mêmes exigences. Parallèlement, elle développe une sorte d'intuition, une a logique des apparences », une formation qui installe l'enfant dans un comportement d'attente des significations éventuelles. Même quand il est « attentif », il reste tendu vers la signification, sans effectuer de véritable travail de recherche (autre que l'identification spontanée et constante des contenus) ; comme si la suite ne dépendait pas de lui. En fait, au travail sur des symboles, par exemple sur l'écrit, s'associe une exigence spécifique d'attention et de concentration, alors que devant la télévision le spectateur, enfant ou adulte, est beaucoup plus dans une situation d'attente émotionnelle que de mobilisation à caractère intellectuel. Je pense qu'il y a même entre ces deux apprentissages de l'attention un antagonisme qui ne peut être évacué que par la recherche de motivations. Nous sommes en face d'une orientation particulière des aptitudes et des attitudes par détournement des «prérequis fondamentaux », que l'école ne pourra vraiment corriger qu'en réorientant les motivations développées par la télévision. D'où la nécessité d'introduire des apprentissages permettant de saisir l'image de conception photographique comme une étape d'une procédure intellectuelle, et rien d'autre. Il faut, en fait, faire comprendre aux jeunes ce que ce type d'image est réellement, c'est-à-dire presque rien, sans une bonne maîtrise des outils intellectuels fondamentaux.
3) Nous avons déjà abordé la question de l'identification des contenus et celle du découplage entre les images et les discours. Suivre réellement un film ou une émission de télévision grand public est un acte qui, même au niveau le plus élémentaire, présente un minimum d'exigences culturelles en savoir, en sensibilité et en réceptivité dans le temps. Évidemment, ces qualités ne sont pas innées. Ainsi, devant la télévision, l'enfant ne perçoit assez souvent qu'un fond d'images et de bruits, entrecoupé de révélations courtes qui peuvent n'avoir aucun lien significatif entre elles. Il pense alors à faire autre chose, à manger, à boire, à parler avec ses voisins, à critiquer ce qu'il voit, tout en continuant à surveiller le petit écran pour ne rien perdre d'intéressant, car la télévision crée une sorte de dépendance (Philippe Meirieu a parlé de sidération). Trop souvent, il ne fait en cela qu'imiter les adultes qui l'entourent. Ainsi, devant le petit écran, non seulement l'enfant n'a plus l'occasion d'apprendre les règles de savoir-vivre les plus élémentaires qu'implique toute activité
collective, mais, en plus, il aurait même tendance à acquérir des comportements a-sociaux à l'égard des situations analogues à celles de la classe.
En outre, nous savons que l'apprentissage d'un langage commun s'inclut, nécessairement, dans un processus de communication et d'interaction avec le milieu où vit l'apprenant. Or, non seulement la télévision ne répond pas à ses questions, mais, en plus, elle ne laisse pas à l'enfant le temps d'interroger efficacement son entourage, au moment opportun. Le jeune téléspectateur finit donc par s'installer dans une attitude de passivité intellectuelle, et par prendre l'habitude de disperser son attention sur tout ce qui se passe autour de lui.
La télévision lui permet d'élargir le champ de ses connaissances, dans la désinvolture et la facilité. Certes, cet élargissement est très superficiel, mais en général suffisant pour satisfaire les curiosités naturelles de l'enfant. A l'égard des exigences traditionnelles de l'école, de ses cours collectifs et de la mobilisation qu'appelle tout apprentissage approfondi, elle sème donc les graines d'une sorte de rébellion.
Les jeunes éprouvent maintenant des difficultés d'évaluation importantes de l'espace et du temps, qui se retrouvent dans tous les apprentissages scolaires fondamentaux. Les fondements des notions d'espace et de temps ne s'acquièrent pas par des études théoriques sur des frises et des cartes de géographie, c'est-à-dire sur des morceaux de papier, mais par des activités pratiques. Or, aujourd'hui, les jeunes passent beaucoup de temps devant la télévision, dont l'effet est donc, finalement, double.
Premièrement, de façon très directe, un des principaux effets de l'image qui cite les apparences est d'enlever à l'édifice des structures opératoires de l'intelligence une partie importante de ses fondements sensitifs au profit d'une perception visuelle qui ne s'effectue que par l'intermédiaire d'une empreinte. Devant la télévision, l'enfant se donne une connaissance du monde qui reste, d'une part, très médiatique, d'autre part, insidieusement et arbitrairement fragmentaire. Il peut parcourir la terre entière en un temps record sans avoir la moindre idée de ce qui lui échappe. Le monde est entièrement ramené à ce qu'il voit sur l'écran. Entre deux sujets séparés en réalité par des milliers de kilomètres ou des années, la télévision ne laisse rien. A travers l'image de conception photographique, elle abolit totalement les notions d'espace et de temps aussi bien au niveau des grandeurs que des positions.
Ainsi, dans le vécu médiatique très fort que l'image qui cite les apparences est capable de donner d'un événement, l'absence de contact physique avec la réalité développe et entretient chez les enfants une perception très irréaliste de l'espace, du temps et aussi, du même coup, de l'effort physique. L'alliance du réalisme et de l'intemporalité de ces images finit par produire un effet de transformation dans le comportement des enfants, en particulier dans leur façon d'appréhender, ou de ne pas appréhender, le temps qui passe et l'événement vécu. Et, par incidence, ce sont les formes et les rythmes individuels d'apprentissage, d'émancipation et de développement intellectuel et psychologique qui se transforment radicalement.
D'autre part, nous savons déjà que la perception de l'espace et du temps est un facteur fondamental à l'égard des opérations intellectuelles, et notamment de la lecture. En effet, la compréhension d'un texte s'effectue au travers d'évocations, le plus souvent visuelles et auditives. C'est l'organisation spatiale et temporelle de ces évocations qui crée du sens. On peut donc dire qu'une perception erronée de l'espace et du temps complique la construction des significations dans l'acte de lecture.
L'effet du temps passé devant la télévision s'exerce également de façon indirecte. Quand nous comparons les enfants d'aujourd'hui à ceux d'hier, n'oublions pas que le temps passé devant la télévision et l'ordinateur est pris sur les temps de loisir le plus souvent au détriment d'activités pratiques, physiques, manuelles et artistiques : jeux d'extérieur, sport, dessin, travaux divers... Aujourd'hui, l'enfant a de moins en moins de contacts sensitifs avec la réalité. Nous sommes donc devant un cercle infernal, véritablement vicieux : la télévision finit par priver les jeunes de l'expérience qui, justement, leur permettrait d'être moins sensible à ses effets et d'en tirer un meilleur profit culturel. En France, je pense que c'est seulement depuis le milieu des années 1980 qu'un niveau critique, dans le processus de rupture avec les activités de contact " manuel et physique», a été nettement dépassé, c'est-à-dire après l'explosion du paysage audiovisuel. Dans d'autres pays, par exemple ceux du nord de l'Europe, les conséquences du franchissement de ce point de rupture ont très certainement été atténuées par des programmes et des contenus qui affichent depuis longtemps des ambitions intellectuelles nettement moins prononcées, et qui laissent sensiblement plus de place à un certain contact avec la matière, au moins dans le cadre d'activités artistiques.
Le phénomène touche aussi l'acquisition des mesures. Parce qu'en dehors de l'école les enfants n'ont presque jamais l'occasion d'effectuer des tracés, de manipuler, d'évaluer de façon expérimentale pour concrétiser un projet d'utilité autant que possible personnel, l'enseignement de la mesure des longueurs, des aires, des volumes et des capacités a perdu toute cohérence. Jamais les enfants n'ont eu autant besoin qu'aujourd'hui de façonner eux-mêmes des objets simples, d'utiliser des instruments de mesure dans des situations concrètes, d'effectuer des tracés précis sur d'autres supports que des cahiers d'écolier, de découper des matériaux et de réaliser des assemblages. En ce qui concerne l'ensemble des formations intellectuelles, les activités élémentaires de couture, de cuisine, de menuiserie, de tôlerie, de mécanique, de maçonnerie..., même celles dont l'apprentissage ouvre de moins en moins de portes sur le monde du travail et ne présente que peu d'intérêt pour la satisfaction des exigences de la vie quotidienne, prennent aujourd'hui une valeur éducative de caractère général et d'importance fondamentale, tant à l'égard des questions d'attention, de concentration, d'écoute, pour recréer des motivations grâce à leurs caractères transdisciplinaires, qu'à l'égard de leur participation au développement des structures opératoires de l'intelligence et de la perception de l'espace et du temps.
Si paradoxal que cela puisse paraître, l'initiation à la maîtrise de certaines technologies modernes, telles que l'informatique, est, comparativement, nettement moins prioritaire. Mais il est évident, toutefois, qu'elle ne doit pas être négligée.
Les questions d'écoute, de concentration, d'attention et d'approfondissement sont devenues des problèmes majeurs de l'action pédagogique. Les cas particuliers des années 1970 et avant se sont multipliés au point de devenir, selon les disciplines, selon les heures de la journée, selon ce que les élèves ont fait dans le cours précédent, selon une multitude de facteurs, des cas généraux, auxquels tous les enseignants sont confrontés, constamment, même avec leurs meilleurs élèves. Mais, de façon générale, que savent-ils leur opposer? « Écoutez », «faites attention", "concentrez-vous », seulement des injonctions. Certes, les " enfants de la télévision " n'ont rien inventé. Les problèmes d'attention, de concentration, qu'ils soient ponctuels ou constants, les résistances à s'investir dans des activités longues, où il faut élaborer des solutions, enchaîner des raisonnements, se manifestent toujours de la même façon. Mais devant leur généralisation et toutes les dérives qui s'y associent, il faut bien maintenant s'intéresser aux origines de ces « dysfonctionnements ». L'institution a cru pouvoir dépasser ces problèmes en modifiant les programmes et en abandonnant ou en allégeant certaines activités. Or, les exigences à l'égard des apprentissages scolaires de base, celui de la langue maternelle, celui du calcul, des mathématiques, ne peuvent pas changer. Elles sont intrinsèquement liées à la notion de langage, à la nature de l'écrit. Cette voie est sans issue.
Face au spectacle télévisuel, l'école doit donc rapidement réagir et prendre en charge la forma­tion des attitudes qu'exigent dans leur ensemble les apprentissages intellectuels. Elle doit ensei­gner au jeune ce qu'il doit faire pour écouter, être attentif, se concentrer sur des activités à caractère scolaire; l'inciter, par exemple, à se répéter mentalement la question posée, lui en laisser le temps. Mais tous ces gestes que les neurosciences nous enseignent ne suffiront pas si nous ne savons pas découvrir et réorienter les motivations que développe le monde moderne vers les apprentissages scolaires. Et, surtout, nous devons enfin « tordre le cou» à l'idée que ces gestes sont naturels, ou s'apprennent sur injonc­tions et menaces de sanctions. Même quand ils paraissent naturels, ils sont toujours associés à des motivations bien réelles, qui, quelquefois, nous échappent.
Globalement, la volonté de s'instruire reste entière, je pense qu'elle est même de plus en plus forte. D'ailleurs, le temps passé par les jeunes devant la télévision, notamment devant des émissions documentaires, en témoigne. Mais dans le contexte actuel « l'offre» scolaire est ressentie par les enfants comme une rupture, une duperie. Elle casse cette volonté d'apprendre. C'est à la pédagogie de recréer le lien nécessaire. Comment? Nous avons déjà des pistes. Face à l'offre télévisuelle, d'apprentissage dans la désinvolture et en libre service, qui n'est qu'illusion, comme nous l'avons largement démontré, nous pouvons réagir très rapidement en lui opposant des activités artistiques et manuelles (arts plastiques, musique, cuisine...), et une approche très expérimentale des sciences, pour lesquelles des motivations existent (la démonstration n'est plus à faire). Les activités à proposer doivent d'abord être transdisciplinaires, de façon à orienter les motivations vers les apprentissages fondamentaux; elles doivent ensuite " coller» suffisamment à la réalité et aux motivations des jeunes pour que le désir d'aller au terme du travail entrepris soit un élément moteur suffisamment fort, quelles que soient les difficultés rencontrées. Elles doivent donc être conçues, c'est aussi l'intérêt de leur caractère transdisciplinaire, de façon à présenter des exigences d'attention, de concentration... très proches de celles nécessaires aux apprentissages fondamentaux. C'est pour tout cela que les activités manuelles à caractère artistique offrent un potentiel énorme, qui n'est pas nouveau. Or, au cours de ces dernières décennies, l'enseignement est devenu de plus en plus livresque et encyclopédique. Un véritable contresens, que la Finlande, par exemple, a su éviter, au moins partiellement.
Que l'on ne se méprenne pas sur la démarche proposée. Je réclame un autre regard sur la télévision, pas son rejet, qui serait le pire des maux. La télévision appartient incontestablement à la modernité, y compris en ce qui concerne les activités intellectuelles, mais nous n'avons pas encore su identifier le rôle qui est le sien, par la nature de ses images, et adapter en conséquence nos conceptions et nos pratiques éducatives. De toute façon, l'histoire ne se refait pas et nous sommes " condamnés » à faire avec. La censure systématique et toutes les formes d'évitement sont les solutions les moins appropriées. Pour les parents, le premier pas de toute démarche d'adaptation n'est donc pas de priver les enfants de télévision, mais de les laisser la regarder, de les laisser choisir eux-mêmes leurs programmes, sans s'interdire quelques interventions ou certaines censures, bien sûr, en se faisant une règle de la regarder avec eux, afin de répondre à leurs questions, en les provoquant si nécessaire. Mais c'est d'abord à l'institution, puis aux enseignants que revient l'essentiel des efforts à faire. Ils détiennent presque toutes les clés de cette maîtrise de l'image à reconquérir au profit du discours.

Robert Chièze.

samedi 18 octobre 2008

Le retour des camps...?

Souvenez-vous des "Enfants de Don Quichotte", association créée en novembre 2006, dont le but est de "permettre à des personnes sans domicile, confrontées à la vie à la rue, de se regrouper dans un lieu où elles pourront bénéficier d'une aide humanitaire de base dans un esprit collectif.", ainsi que de "permettre à des citoyens, avec ou sans domicile fixe, d'interpeller ensemble l'opinion et les pouvoirs publics, afin qu'une politique active en faveur du droit de tous à un logement adapté soit mise en place." (http://www.lesenfantsdedonquichotte.com/v4/index.html)
Depuis les tentes qui bordaient le canal Saint-Martin à Paris ont disparu. Toutes ces personnes, où sont-elles allées? Elles sont le plus simplement du monde parquées dans un centre dit de stabilisation à Ivry-sur-Seine, et logent dans des pré-fabriqués de 35 mètres carrés. Le lieu a été baptisé par la ministre du Logement et de la Ville, Christine Boutin, de "Village de l'espoir". Jusque-là, "très bien" me diriez-vous. Or, depuis qu'on les a installés dans ce "centre", certains ayant retrouvé du travail et réunissant toutes les conditions pour bénéficier d'un vrai logement, veulent partir... Mais leurs démarches n'aboutissent pas. Le ministère veut étendre l'expérience de ce "centre de stabilisation" à tout le pays.
Que doit-on comprendre? C'est très simple: l'Etat semble avoir décidé d'enrayer de nos rues la vision de sans abris en les plaçants dans un de ces centres, dont la fonction est de les aider à retrouver un travail et un logement. Cependant, il semble qu'on ait envi de les laisser dans ces...camps. Oui, disons-le, il s'agit, ni plus ni moins de camps où l'on va concentrer les SDF dans des pré-fabriqués, voire pire. Au moins, me direz-vous, ils ont un toit et de quoi manger. Oui mais ils n'ont pas un vrai toit, une vraie intimité, un travail, leur dignité... tout ce que chaque être humain à droit. En effet, pourquoi isoler ces individus alors qu'ils ont besoin de créer à nouveau du lien social.
La société française laisse naître, comme à une certaine époque, des camps ou des centres (peu importe le mot) où l'on enfermera à moitié des individus (presque comme les animeaux dans les zoo), une population indésirable aux yeux de la nation française.
Cette article fait écho à l'émmission "Chez FOG", diffusée le 18/10/2008 sur France5. http://www.france5.fr/chez-fog/

vendredi 12 septembre 2008

Evénement!

Nouvelle édition du Tourcoing Jazz Festival, du 18 au 25 octobre 2008. Toute la programmation sur http://www.tourcoing-jazz-festival.com/



mardi 9 septembre 2008

API: Association pour l'instruction

Bonjour,
Un petit tract intéressant sur l'association API créée par les parents de l'école Jacques Brel de Roncq après observation de Slecc. Le Slecc (Savoir, Lire, Ecrire, Compter, Calculer) est un mouvement fondé par des professeurs visant à remonter le niveau scolaire en chute dans notre pays. Cette association ne concerne pas que les parents, les jeunes sont tout à fait concernés, et de plus les musiciens car le domaine de la musique est aussi touché. Je vous invite à la transmettre à un maximum de personne.

Fabian.

Lien pour le tract: http://david1.salvador.googlepages.com/Tractseptembre2008pdf1.pdf

samedi 16 août 2008

Évènement

Le grand chef d'orchestre Alvaro Cassuto (né en 1938) a enregistré, pour l'édition Naxos, l'intégral des symphonies de Luis de Freitas Branco (1890-1955), complété par d'autres pièces orchestrales, l'une des grandes figures musicales du XXe siècle portugais. Son oeuvre symphonique, je dirais même son oeuvre tout court, avait le plus grand besoin d´être de nouveau gravée: les dernières enregistrements remontent aux années 80! Cela dit, la première et la deuxième symphonie avaient récemment été réenregistré, l'une par Mário Mateus avec The Orchestra of the Frederic Chopin's Polish Baltic Philharmonic in Gdansk publié par le label polonais DUX en 2004, et l'autre par Jesús Amigo avec l'Extramadura Symphony Orchestra publié chez Atma Classique (Canada) en 2008.

Il s'agit donc d'un grand évènement pour la musique savante portugaise: une partie de son répertoire est édité par le grand label international qu'est Naxos. Ce premier volume (il y en aura quatre) comprend la Première Symphonie (1924), un Schrzo Fantastique (1907) en premier enregistrement mondial, ainsi que la première Suite Alentejana (1917).
Ce n'est pas la première fois que Cassuto défend les compositeurs lusophones. En effet, il a déjà enregistré pour ce même label les deux symphonies de João Domingos Bomtempo (1775-1842), ou encore l'intégrale des symphonies de Joly Braga Santos (1924-1988). Grâce à ses enregistrements parus chez Naxos, Cassuto donne à connaître au niveau international une partie de la musique savante portugaise, et qui mérite d'être connue et de trouver sa place dans le répertoire international. Ajoutons aussi que ses interprétations sont toujours d'une grande et sérieuse qualité.
Qui sait, peut-être que bientôt les grands orchestres se mettront à graver et à programmer de temps en temps de la grande musique portugaise.

Pour en savoir plus sur Alvaro Cassuto et sa discographie: http://www.naxos.com/conductorinfo/Alvaro_Cassuto/31528.htm (en anglais)

jeudi 14 août 2008

Que se passe-il, dites-le moi...

«Du népotisme en musique», article de Renaud Machart paru dans Le Monde du 13/08/2008. http://www.lemonde.fr/culture/article/2008/08/13/du-nepotisme-en-musique_1083230_3246.html#ens_id=1079133 L'article n'est plus disponible dans sa version intégrale, la voici ici retranscrite.


Du népotisme en musique
LE MONDE 13.08.08 15h53 • Mis à jour le 13.08.08 15h53

Le cas Carla Bruni, devenue Carla Bruni-Sarkozy, a amené les chroniqueurs musicaux à se poser cette question : "Peut-on parler de Carla Bruni-Sarkozy comme on parlait de Carla Bruni ?" Comment faire pour estimer la valeur de son nouvel album sans paraître lui faire payer sa situation "privilégiée" ?
Mais si Carla Bruni avait une existence artistique avant de rencontrer le président de la République, d'autres cas, notamment dans le cadre de la musique "savante", sont plus douteux. Au moment où sa fiancée, la soprano russe Anna Netrebko, est devenue la star absolue de l'opéra et de Deutsche Grammophon (DG, groupe Universal), le baryton uruguayen Erwin Schrott, encore peu connu, enregistre son premier disque pour Decca (groupe Universal). Ce récital d'airs d'opéra ne révèle ni un mauvais chanteur ni une nouvelle star de la tessiture. Mais l'évidence est cruelle : nul n'aurait signé le baryton s'il n'avait pas été "M. Netrebko".
Autre cas de figure : les fratries. Dès l'orée de sa gloire, le ténor Roberto Alagna a fait connaître ses deux frères, Frédérico et David. Ils l'accompagnaient, à la guitare, dans son récital Sérénades, édité par EMI avec qui il était sous contrat avant de signer avec DG en 2004. Aujourd'hui, la branche française du label enregistre Le Dernier Jour d'un condamné, un opéra qui est une affaire de famille : Roberto chante le rôle principal, a cosigné avec ses deux frères le livret, tandis que la musique est de David. Constituée de copiés-collés habiles faits dans l'opéra vériste, dans les Dialogues des carmélites de Poulenc (la fin !), dans la musique de séries télévisées, la partition est sans la moindre singularité et sans le moindre talent mélodique, ce qui dans le cas d'un opéra ultraconventionnel est un peu gênant. Le Dernier Jour... n'est certes pas pire que la musique "savante" de Paul McCartney ni que beaucoup de partitions d'avant-garde, mais peut-on imaginer que DG l'aurait enregistré si ce compositeur, peu reconnu, n'était pas le frère d'une des vedettes de la maison ?
Renaud Machart

La création artistique, la vraie, est malade, elle n'a plus de valeurs. Pendant ce temps, on condamne les vrais créateurs - ceux qui créent par nécessité intérieure, pour l'art, pour les hommes, pour la société - et les vrais interprètes - ceux qui nous révèlent la beauté d'une oeuvre et nous invitent à la contempler.
Musiciens, artistes, interprètes, professeurs, élèves, mélomanes et amateurs, nous ne pouvons plus, nous ne devons plus, tolérer une telle infamie. Réagissons, agissons!
C'est en ces temps difficiles que la société a, plus que jamais, besoin de l'art et des artistes.

vendredi 11 juillet 2008

Une chronique très intéressante...

"Philosophie au fronton des mairies", par Roger-Pol Droit, publié le 10/07/2008 sur le site du journal Le Monde. http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/07/10/philosophie-au-fronton-des-mairies-par-roger-pol-droit_1068666_3232.html

Il est plus que temps de nous réveiller et d'agir...

Comme l'article n'est plus disponible gratuitement, je me permet de le reproduire dans son intégralité:


Chronique
Philosophie au fronton des mairies, par Roger-Pol Droit
LE MONDE 10.07.08 14h47 Article paru dans l'édition du 11.07.08

Pétards sans cannabis et danseurs à bals réels, voilà bientôt le 14-Juillet. Curieux rituel, où les pompiers surveillent des feux d'artifice en mémoire de la Révolution. L'armée défile, le président parade, la République se fête, comme il est normal. Mais qui se souvient vraiment des geôles de l'ancienne Bastille, des citoyens en armes, de toutes les raisons qui firent de cette journée, il y a 219 ans, une des dates de naissance du monde moderne ? Qui s'avise de méditer à nouveaux frais sur ces notions inscrites au fronton de nos mairies : "Liberté, Egalité, Fraternité" ?
Exercice pratique pour les temps qui viennent : comprendre ce qui est en jeu, pour la France, aujourd'hui, dans les trois termes de cette "héroïque devise", comme disait le journaliste et homme politique Louis Blanc en 1848. Ce serait sans doute une bonne façon de revenir sur l'idée républicaine, son histoire et ses perspectives. Car les hauts et les bas de notre trinité laïque se confondent avec les fluctuations de notre vie civique. De 1789 à nos jours, elle a en effet connu des moments de lumière et des éclipses graves.
Malgré ce qu'on croit souvent, ce ne fut pas une devise officielle pendant la Révolution française. Le 5 décembre 1790, Robespierre propose qu'elle figure sur... la poitrine des hommes de la garde nationale, mais la suggestion ne fut pas retenue. Présente fréquemment chez Rousseau, l'association des trois termes est reprise par bon nombre d'orateurs de la Révolution, figure dans la thématique de multiples fêtes républicaines, mais elle n'est pas encore adoptée de manière solennelle.
A l'époque, on rencontre plus souvent une autre forme : "Liberté, égalité, fraternité ou la mort". Alors que la Révolution s'intensifie, on veut marquer qu'on renoncera à la vie plutôt qu'à la société nouvelle. Le monde ancien, croyait-on, était servitude et non liberté, injustice et non égalité, indifférence et non fraternité. "Souverain", désormais, n'était plus le nom d'un seul, mais celui du peuple tout entier. Plutôt mourir que de retourner en arrière...
Et pourtant, on y revint vite. Bon indicateur du civisme hexagonal, l'héroïque devise fut mise au rencart sous la Restauration, ressuscitée en 1830, magnifiée en 1848, estompée par le Second Empire, avant de s'imposer, avec la IIIe République, comme devise nationale sur les bâtiments publics. Seul le régime de Vichy interrompit cette continuité, en préférant, comme on sait, le Travail à la liberté, la Famille à l'égalité, et la Patrie à la fraternité. Voilà pourquoi, somme toute, il n'est pas malvenu de dire à ce pays : "Dis-moi où tu en es de ta devise, je te dirai où tu en es de ton histoire."
Aujourd'hui ? Ce ne sont pas les questions qui manquent. Comment, concrètement, dans la France de 2008, s'exerce la liberté ? L'égalité de tous devant la loi est-elle réalité ou poudre aux yeux ? La fraternité veut-elle encore dire quelque chose, discours de campagne mis à part ? Et comment ces trois notions s'arrangent-elles pour tenir ensemble ? Liberté et fraternité, par exemple, peuvent-elles s'articuler facilement ? Faut-il envisager les trois termes séparément, ou tous ensemble, ou par deux, plus un ?
Voilà des exercices de philosophie qui nous attendent. Ils ne s'imposent pas par hasard. Nous sommes le premier pays qui s'est construit sur la pensée philosophique du siècle des Lumières. Celui qui rêva que des idées permettent d'en finir avec les dominations. Le seul où, depuis longtemps, s'inscrivent sur les édifices communs trois notions philosophiques majeures, qu'on ne se contente pas d'afficher mais qu'on s'efforce de graver, vaille que vaille, dans nos moeurs. Nul n'ignore qu'en mémoire de cette étrangeté bien des peuples éprouvent encore pour les Français une forme particulière d'affection, mêlée d'estime et de tendresse.
D'où cette modeste proposition : on devrait se demander ensemble ce que signifie, pour nous, à présent, "Liberté, Egalité, Fraternité". Comment ? Pas de solution clés en main, mais ce ne devrait pas être si compliqué à imaginer. Il ne manque pas de lieux où, en attendant mieux, on pourrait prendre la parole. Clubs, cafés, sites Web, sans oublier écoles, mairies, universités, préfectures ou casernes. On s'y querellerait évidemment : en souvenir de Rousseau, sur la démocratie directe ou représentative ; en souvenir de Marx, sur l'égalité formelle ou l'égalité réelle ; en souvenir de Sorel et d'autres sur la violence ou la non-violence. On y évoquerait les relations de la fraternité avec l'humanitaire, la solidarité ou le droit d'ingérence. Par exemple.
La liste est à poursuivre, où se confronteraient idées d'hier et réalités présentes. Histoire de rendre vie à notre devise, et de retrouver la dimension politique des philosophies. Aujourd'hui, alors qu'on relit les grandes oeuvres, qu'on s'émerveille que tant de penseurs existent, les philosophes sont souvent tirés du côté du bien-être quotidien et du comment vivre individuel. On ne s'avise plus assez que république et démocratie reposent tout entières sur des concepts philosophiques. On semble avoir presque oublié que les philosophes, depuis Socrate, ne parlent finalement que de politique. Il serait temps que s'amorce une réelle réflexion commune, diversifiée, populaire, où les philosophes ne seraient évidemment pas les seuls censés détenir des solutions. Penser plus - c'est-à-dire creuser ses fondations, réexaminer ses principes, actualiser ses règles -, notre société devrait tout avoir à y gagner. Il s'agirait, somme toute, que le 14- Juillet devienne autre chose qu'une page du calendrier.
Roger-Pol Droit

mercredi 9 juillet 2008

Les Caprices


L'exposition "Goya, les Caprices" se prolonge jusqu'au 17 août au Palais des Beaux-Arts à Lille. Elle présente, pour la première fois à Lille, l'intégralité de la série des Caprices du peintre espagnol. Toutes les informations sur http://www.pba-lille.fr/spip.php?article594


Artiste et société

Prochainement, publication d'une synthèse d'une série d'article qui devrait être connu de tous les musiciens, de tous les artistes: De la situation des artistes et de leur condition dans la société de Franz Liszt (1811-1886). Ce que dénonce ce grand compositeur du XIXe siècle est plus que jamais d'actualité plus de 150 ans plus tard...

Tableau de l'hongrois Miklos Barabas (1810-1898) peint en 1847.

samedi 5 juillet 2008

Le nouveau Cluedo

Une institutrice avisée de CM1-CM2 a eu l'heureuse idée de faire un résumé des cadeau de noël des enfants de sa classe... Bien mal lui en prit à cette charmante dame, qui pensait encore que le Cluedo ou La bonne paye se trouvaient toujours dans la hotte de ce bon Père Noël ! A leur place....ne le cachons pas : Mortal Combat, Call of Duty, Splinter Cell, GTA San Andreas, Resident Evil, Silent hill.... J'en passe et des meilleurs ! En bref : Sexe, violence, guerre, drogue, insultes, mort, armes à feu... Où sont passés les jeux de cartes, de réflexes, de stratégies?

Après avoir souligné tous les mots des champs lexicaux utilisés dans ces "cadeaux" énumérés au tableau, notre charmante maîtresse a pu sentir ses cheveux se dresser sur sa tête.
Cela dit, qui peut être assez naïf pour croire qu'une institutrice ne fait rien sans rien? Ce geste était réfléchi. En effet, il voulait montrer aux enfants leur univers, et surtout frapper les parents qui bien souvent n'en n'ont même pas conscience !
Un élève a bien proposer "l'entraînement cérébrale du docteur Je-ne-sais-qui"....Mais encore une fois un jeu vidéo !



Je ne suis pas là pour fustiger sur l'univers virtuel, ni pour tancer tous les joueurs ! Mon frère aîné de 22 ans joue à Résident Evil et c'est magnifique pour lui, et j'ai moi même goûter à plusieurs de ces jeux ! Je peux comprendre que certain y trouve quelques plaisirs ! Quel bon amusement de se défier à Super Mario smash Bross entre amis, ou encore de s'organiser quelques tournois de foot sans sortir de son salon par un soir d'orage!



"Ce qui me fait le plus peur ? Les petits enfants." Alfred HITCHCOCK n'avait pas tort. Un enfant sans contrôle adulte est plus dangereux qu'un adulte lui-même. Ne devons-nous pas avoir peur d'un enfant qui est capable de dessiner n'importe quelle arme à feu, alors qu'il est incapable de différencier une poule d'un coq? Prêtez-vous au test !



Outre la violence omniprésente, je ne peux m'empêcher de réagir à cette image extraite du nouveau jeu vidéo à la mode dans les cours de récrés de 7 à 77 ans...


Pornographie ! Voilà le mot qui me vient à l'esprit quand au milieu de Paris, j'aperçois cette immense affiche placardée sur un centre commercial ! AU Milieu de Paris !
Pour voir l'image en grand cliquez http://www.juliencrochet.fr/wp-content/uploads/2008/05/outdoor-lollipop_1280x800.jpg
En oubliant toutes les insinuations de cette image, précisons que ce jeu est de surcroît interdit au moins de 18 ans ! Le plus choquant ce sont ces mères de familles, et ces pères innocents qui se baladent sous cette affiche sans ouvrir les yeux ! Que diraient-ils si l'on placardait une affiche pour la promotion d'un film Pornographique ? Car oui ! C'est la même chose! Si ce jeu est interdit au moins de 18 ans, croyez-moi qu'il en a toutes les raisons... Parents, prenez conscience de ce que vous donnez à votre enfant !
Sans parler de la banalité de la mort...Comment osons-nous laisser les enfants s'éveiller en massacrant des gens "pour jouer" ?

J'entends déjà d'ici les répliques "Ce n'est qu'un jeu!" N'avez-vous pas lu MONTAIGNE ?! "Les jeux des enfants ne sont pas jeux." Un enfant de 11 ans ne perçoit pas ce jeu comme un homme de 20 ! Arrêtons de donner du poison à nos enfants pour nous plaindre ensuite des Hommes qu'ils seront ! Et quels Hommes ! Car, pour citer encore un grand Homme, "L'enfant qui ne joue pas n'est pas un enfant, mais l'homme qui ne joue pas a perdu à jamais l'enfant qui vivait en lui et qui lui manquera beaucoup". Pablo NERUDA disait juste ! Nous sommes en train de TUER les hommes de demain !

Ne gâchons pas l'imagination d'un enfant avec de pareilles futilités ! L'enfant a besoin du jeu pour éveiller son imagination, ces réflexes intuitifs et son intellect ! Mais a-t-il besoin de violence ? Cluedo, Monopoly, Bonne paye, jeux de carte... tous ces jeux avec lesquelles nous avons eu la chance de grandir ne méritent-ils plus leur place dans le placard de leur chambre, à la place de cette machine à monstruosité qu'on osera appeler "Console de JEU" !
Réagissez avant d'avoir des semi-tueurs dans votre foyer ! Donnons de l'art aux enfants !


Fabian Flament

vendredi 16 mai 2008

Mais où allons-nous??


Asimo, le robot chef-d'orchestre... Non ce n'est pas une plaisanterie, c'est la triste vérité. Cela s'est passé mardi soir, 13 mai 2008, à Detroit avec le Detroit Symphony Orchestra. Il s'agit-là d'une belle prouesse technologique mais non d'une prouesse musicale. Voici une vidéo du concert: http://fr.youtube.com/watch?v=4Gwk4vkyapc Quelle admirable direction!! Il ne sait que battre bêtement la mesure, un vrai métronome humanoïde. C'est une "bonne" exécution, mais on est loin d'une interprétation (il s'agit cependant d'un extrait de "Impossible dream" de la comédie musicale américaine Man of la Mancha). Et pour cause: il parle à peine et ne transmet rien de l'ordre de l'indiscible entre lui et les musiciens; il n'a pas de visage, donc pas d'expression faciale. Comment fait-il donc pour transmettre ses intentions musicales. Eh bien il ne le fait pas, et ces "petits" détails font que musicalement il ne se passe rien, c'est fade. Je trouve ces images horribles.
A ce train-là, les orchestres seront composés de robots dirigés par des robots. Ils nous offriront de "belles" interprétations! Cela reviendra moins cher à l'Etat pour financer la culture.
Je suis désolé, mais la musique n'est pas affaire de robots et au service de je ne sais quel divertissement.

dimanche 16 mars 2008

Vraiment !!???

(Pour lire l'article en question, cliquez sur l'image).

"La musique de film c'est de la musique pure. Elle doit autant servir le film que la musique. Les musiques interprétées pour ce concert sont des œuvres à part entière, qui existent avec le film et en dehors. Je crois que le critère de qualité d'une musique de film est le suivant: on peut enlever l'image et la musique tient le coup. J'aborde donc ce style de concert comme s'il s'agissait d'un concert symphonique." Bruno Membrey.
Avant de me lancer dans un commentaire, il faut d'abord se poser les questions suivantes: Qu'est-ce qu'on entend par "œuvre", qu'est la "musique pure"?
On définit l'œuvre comme étant un ensemble d'actions accomplies par quelqu'un en vu d'un certain résultat. D'un point de vue esthétique, cela renvoie à toute production, matérielle ou symbolique, originale, témoignant d'un style, et pouvant prétendre à une certaine pérennité ("œuvre d'art"). C'est donc une construction symbolique qui porte la marque de l'esprit et de son époque. On parle d'œuvre d'art lorsqu'on ne dissocie plus dans l'œuvre forme et matière, elle est alors la manifestation sensible de l'Idée. Pour Hannah Arendt, l'œuvre nous arrache à l'écoulement du temps et prend possession des choses, tout en nous délivrant de l'empire de la nécessité. Seule l'œuvre peut faire apparaître un monde auquel l'homme peut s'accorder, car "la source immédiate de l'œuvre d'art est l'aptitude à penser" (La condition de l'homme moderne, H. Arendt).
Quant à la musique pure, elle n'a d'autre argument ni de fin qu'elle-même; autrement dit, elle ne contient et ne renvoie à aucun contenu extra-musical (texte, argument, tableau, poème, etc). Dans le cas contraire, il s'agit de musique programmatique (opéra, musique religieuse, poème symphonique, chansons, etc).
La musique de film n'est donc pas de la musique pure, puisqu'elle n'a d'autre finalité que de servir le film lui-même. Elle illustre musicalement l'action, ou plonge le spectateur dans une ambiance en rapport direct avec le film.
Cependant on peut comparer cette musique à un "poème symphonique", car elle illustre, en effet, un contenu extra-musical. Mais comme les autres poèmes symphonique, celle-ci peut exister en-dehors du film. On peut l'écouter sans avoir sous les yeux le film qu'elle illustre, et, pour certaines de ces musiques, possède même une certaine autonomie. Et il en existe d'excellentes. Voilà pourquoi, depuis quelques années maintenant, on donne en concert les grandes pages de musiques de film; elles aussi arrivent, à leur façon, parfois, à nous arracher à l'écoulement du temps et prend possession des choses, tout en nous délivrant de l'empire de la nécessité, et à faire apparaître un monde auquel l'homme peut s'accorder (A. ARENDT). On peut donc parler, pour CERTAINES musiques de film, d'œuvre d'art. Les autres ne sont que musiques de fond, d'ambiance, et qui n'ont donc aucun intérêt à être donné en concert, car pour exister elles ont besoin de l'image.

mardi 11 mars 2008

La "Musique d'Ameublement", ou le nouveau statut de la musique




Introduction
L'art et la vie. Voilà deux notions dont on pense peu à rapprocher l'une de l'autre. Pourtant, l'art est bien présent dans notre vie, tout comme la vie est présente dans l'art. En effet, on est confronté, un moment ou un autre, à l'art, quelle que soit sa nature: peinture, musique, architecture, etc. Cepen­dant, notre approche envers les œuvres d'art, ainsi que de leur statut, s'est modifiée au cours du xxe siècle. Grâce à l'enregistrement et à la reproduction, « l'art » est devenu de plus en plus accessible à tous – particulièrement la musique par le biais du phonographe, de la radio, de la télévision et, au­jourd'hui, d'internet – mais tout en perdant son caractère « sacré » d'œuvre d'art. Dans le cas de la musique, elle a rapidement été utilisée comme fond sonore à notre quotidien, dans des situations et des lieux précis.
Cette application de la musique, finalement réduite à un objet de consommation, a été pensée par le compositeur français Erik Satie avec son concept de « musique d'ameublement », bien avant sa généralisation telle qu'on l'a connu jusqu'à aujourd'hui. On peut alors se demander quel impacte cela a-t-il pour « l'art », ainsi que sur notre existence, sur notre quotidien?
Il est nécessaire dans un premier temps de définir ce que l'on entend ici par les notions « art » et « vie ». Ensuite, préciser quelques aspects biographiques et de la production musicale d'Erik Satie avant, en dernier lieu, de s'attarder sur son concept de « musique d'ameublement » et de l'usage qu'en a fait la culture de masse, au cours du xxe siècle.

I. Précisions liminaires à propos de « l'art » et la « vie »
Les notions « d'art » et de « vie » semblent, a priori, s'opposer: l'un relève de l'artéfact, l'autre de la nature. Se sont, par ailleurs, des termes si généraux, que l'on peut pratiquement tout ranger sous chacun d'eux. Il est donc nécessaire, afin de préciser mon propos, de les clarifier. Mais com­ment définir l'art, la vie et les faire interagir ensemble? Ces deux notions ne sont pas faciles à défi­nir, et plus particulièrement la notion de vie.
En effet, la vie est, par définition, l'ensemble des phénomènes qui assurent la croissance et la conservation d'un être vivant, c'est ce que l'on désigne par l'expression « être vivant ». Aussi, pour survivre et se développer, l'être vivant doit consommer des besoins vitaux; dans ce cas, la notion de vie renvoie aux êtres qui se nourrissent, croissent et dépérissent. Soulignons que ces êtres sont soit animés ou inanimés: les hommes et les animaux sont des êtres animés alors que les plantes, les fleurs ou encore les arbres sont vivants mais inanimés. Eux aussi se nourrissent, croissent, se déve­loppent et meurent.
La notion de vie recoupe un autre aspect, celui de la temporalité. Elle correspond au temps écoulé entre la naissance et la mort d'un être vivant, c'est ce que l'on appelle communément « vivre ». Ce­pendant, cette notion de temporalité comprend aussi la durée d'existence des choses dans le temps, tels un monument, un manuscrit, ou une œuvre par exemple.
De plus, l'idée de vie renvoie encore à notre façon de vivre, à la condition humaine, c'est-à-dire l'ensemble des activités de l'homme concernant la vie morale, religieuse, artistique ou encore poli­tique. Dans notre cas, on retiendra qu'être vivant implique donc, pour les êtres humains, d'avoir une conscience, ressentir, évoluer et se développer, se nourrir et se protéger pour survivre, mais aussi aménager son espace de vie.

D'autre part, le terme « art » vient du mot latin ars, qui traduit le mot grec technê. Ce dernier, dans l'Antiquité grecque, désigne tous les produits de la fabrication de l'artisanat. Jusqu'à l'émer­gence des Beaux-Arts au xviiie siècle, on ne fait pas la distinction entre l'artisan, celui qui exerce un métier, et l'artiste, celui qui pratique un art. En effet, tous deux possèdent une technique, un savoir-faire, et créent un objet extérieur à eux-même.
Cependant, la notion des Beaux-Arts permet de les distinguer: les produits de l'artisan ont pour fin d'être utile à notre vie quotidienne. L'art renvoie donc à l'idée d'être habile dans tel domaine ou telle action. Par exemple, on entendra volontiers de l'art de cuisiner, de travailler le bois, l'art de la médecine ou encore de faire de la politique. Tandis que les productions de l'artiste ont pour fin la contemplation.
Ainsi, l'art se définie comme étant le résultat de procédés conscients par lesquels l'homme tend à un certain résultat, grâce à l'ensemble de moyens, renvoyant à ses facultés créatrices d'exprimer un idéal esthétique, en un lieu précis et à une époque particulière ayant leurs esthétiques propres.
D'une manière générale, on retiendra que l'art est donc exclusivement une activité humaine spécifique, faisant appel à certaines facultés sensorielles, esthétiques et intellectuelles, et s'opposant à la nature.

Par conséquent, l'art et la vie ne semblent rien avoir en commun, puisque l'art s'oppose, dans son élaboration, à la nature, il n'y a pas de rapport concret avec le vivant et de l'ordre du vital, nécessaire à la survit et au bien être de l'Homme. Cependant, si l'on pense à la vie de manière générale, tout en étant confronté aux œuvres d'art, on se rend compte qu'elles s'inspirent pour l'essentiel de l'existence humaine. Quelles que soient leurs formes de représentations, les œuvres d'art semblent être le reflet des scènes de notre quotidien, de nos états psychologiques ou encore de notre imaginaire.
Mais l'art a-t-il une réelle utilité dans notre vie? Dans le cas de l'architecture, il est évident que la réponse est « oui ». Mais pour les autres activités artistiques, les œuvres d'art n'ont-elles d'autres finalités que la contemplation, l'expérience esthétique? Que se passe-t-il lorsqu'on l'on décide de s'en servir comme objets de décorations permettant d'embellir, d'améliorer notre quotidien, ou en­core d'en disposer, de vivre avec elles de façon permanente? Il semble que le compositeur Erik Satie ait été le premier à s'être intéresser, à sa façon, à ces questions.


II. Quelques aspects de la vie et de l'œuvre d'Erik Satie
Erik Alfred Leslie Satie, né en 1866 à Honfleur, est certainement le plus atypique et le plus mystérieux des compositeurs de toute l'histoire de la musique. Il débute ses études musicales avec l'organiste Gustave Vinot1, et les poursuit au Conservatoire de Paris entre 1879 et 1886, lorsque la famille s'installe dans la capital. Satie y étudie l'orgue avec Alexandre Guilmant (1837-1911), l'har­monie avec Antoine Taudou (1846-1925) et le piano avec Georges Mathias. Mais l'institution ne lui plaît guère, et quitte le Conservatoire en 1886 pour faire son service militaire à Arras; la discipline et l'autorité militaire ne lui conviennent pas non plus. Après s'être volontairement contracté une congestion pulmonaire, il est permis à Erik Satie de quitter le régiment d'infanterie. Libre, il part s'installer en 1887 à Montmartre pour y commencer sa vie d'artiste et de bohème. Toute sa vie du­rant, Satie vécut dans la pauvreté, le moindre argent était gaspillé dans la nourriture et la boisson.
Personnage étrange et intrigant, il fréquente aussi bien les cafés concerts et les cabarets – notam­ment le « Chat Noir » où il travaille comme pianiste – ainsi que l'église Notre-Dame pour y en­tendre des chants sacrés. C'est à l'Auberge du Clou qu'il rencontre pour la première fois le composi­teur Claude Debussy (1862-1918), en 1891, avec qui il entretiendra une amitié difficile. La même année, il faisait aussi la connaissance de Joseph Péladan (1859-1918), dit le Sâr. C'est par l'intermé­diaire de ce dernier que Satie adhéra, entre 1891 et 1898, à la secte Rose-Croix2 dont il fut le com­positeur en titre de cet Ordre. Lui-même créa en 1895 sa propre secte, l'Église Métropolitaine d'Art de Jésus-Conducteur, dont il était le seul membre.
En 1898, Satie se sépare de Péladan et de la Rose-Croix, et déménage à Arcueil dans une chambre où il n'autorisa jamais personne à y pénétrer. Cet éloignement de Paris n'est pas une rupture avec la capitale et ses artistes, pas plus de l'univers des cabarets et des cafés concerts. Satie fit quotidiennement le trajet à pied entre Paris et Arcueil pendant de nombreuses années. Il éprou­vait, semble-t-il, le besoin de s'évader du tumulte parisien afin de se retrouver seul.

Rapidement, l'image que la plupart de ses contemporains et, encore de nos jours, des mélomanes retiennent de Satie est celle d'un farceur et d'un provocateur prenant peu au sérieux son art. Or, après une période peu fructueuse dans sa production musicale et s'être fait insulter d'amateur, Satie décide de s'inscrire en 1905 à la Schola Cantorum3 pour y étudier le contrepoint avec Vincent d'Indy (1851-1931) et Albert Roussel (1869-1937). Il en sort diplômé en contrepoint avec une mention « très bien » en 1908, il est alors âgé de quarante-deux ans.

Parallèlement, Satie développe une activité au sein de la municipalité d'Arcueil. En effet, pen­dant quelques temps il s'est occupé des enfants de la ville en les initiant au solfège et en organisant des sorties « pédagogiques »4. Il réussit même à organiser un « concert » dans sa ville d'adoption, avec la participation de la chanteuse Paulette Darty (1871-1939) qui interpréta les valses de Satie et de chansonniers. Ce fut un succès. Pour ces efforts, la ville récompense le en lui décernant les palmes académiques en 1909.

En 1915, la rencontre de Satie avec Jean Cocteau (1889-1963) marque une nouvelle période de vie et de son œuvre. En effet, avec Cocteau, Pablo Picasso (1881-1973), Sergueï Diaghilev (1872-1929) et le danseur Léonide Massine (1896-1979), il participe à l'élaboration du ballet Parade, créé en 1917 au Châtelet. L'œuvre fit scandale mais permit à Satie de revenir sur le devant de la scène des avants-gardistes de l'époque. La même année, il fait ses premières expériences de musiques d'a­meublement. Grâce à Parade, il est devenu une référence pour l'avant-garde parisienne. C'est ainsi qu'en 1918, par l'initiative de l'écrivain et poète Blaise Cendrars (1887-1961), Erik Satie devient, pour peu de temps, le mentor du « Groupe des Six »5. Le coq et l'Arlequin de Jean Cocteau (1889-1961) devient leur manifeste. Il y prône une hostilité au romantisme germanique, au wagnérisme mais également au debussisme. L'année 1918 est aussi celle où Erik Satie écrit son œuvre la plus sé­rieuse de son répertoire: Socrate, drame symphonique avec voix d'après les trois Dialogues de Platon.
En 1919, Erik Satie rencontre l'écrivain Tristan Tzara (1896-1963) qui lui fera connaître le mou­vement Dada et ses artistes tels les peintres Francis Picabia (1879-1953), Marcel Duchamp (1887-1968), ainsi que le peintre et photographe Man Ray (1890-1976). Un an plus tard, il lance publique­ment son « nouveau produit de consommation », la musique d'ameublement, présenté pour la pre­mière fois lors de l'entracte de la pièce de Max Jacob (1876-1944) Ruffian toujours, Truand jamais.
En 1923, Darius Milhaud présente à Erik Satie quatre jeunes compositeurs français: Henri Cliquet-Pleyel (1894-1963), Roger Désormière (1898-1963), Henri Sauguet (1901-1989) et Maxime Jacob (1906-1978). C'est à l'occasion d'une conférence6 donnée au Collège de France par Satie, que les quatre jeunes compositeurs adoptent le nom d'école d'Arcueil, en hommage à « un vieil habitant de cette commune suburbaine. ». Cette « école » prônait la simplicité, rejetait toute musique académique, romantique et par-dessus tout le wagnérisme. La même année, Satie compose une nouvelle « musique d'ameublement », Tenture de cabinet préfectoral.
A la fin de sa vie, il collabore de nouveau en 1924 avec Picasso et Massine pour l'élaboration de Mercure, « poses plastiques », ainsi que Picabia pour le livret du « ballet instantanéiste » Relâche, ponctué d'un entr'acte cinématographique. Le film est de René Clair (1898-1981), d'après un scéna­rio de Picabia, dont Satie composa la musique. Ce fut sa dernière œuvre. En 1925, affaibli, Satie ne compose plus, ses amis l'installe dans une chambre d'hôtel afin de veiller sur lui. Mais son état s'ag­grave, il est alors emmené à l'hôpital Saint-Joseph où il meurt d'une cirrhose du foie.

Erik Satie a essentiellement composé pour le piano. Son œuvre oscille entre des pièces mystiques et des mélodies de cafés concert, déroutantes et comiques. On peut diviser sa production musicale en trois périodes. La première se partage clairement, dans un premier temps, entre le mysticisme de la Rose-Croix, et l'influence médiévale avec des pièces telles que Sarabandes (1887), Gymnopédies (1888), Ogives (1888) où Satie prend la liberté de supprimer les barres de me­sures7, Le Fils des étoiles (1892), Sonneries de la Rose-Croix (1892), Fête donnée par des chevaliers normands en l'honneur d'une jeune demoiselle (1892), Danses gothiques (1893) ou en­core Messe des pauvres (1895). Dans un second, elle subit l'influence des musiques de « cafés concerts » et les enseignements de la Schola Cantorum avec des pièces tels que les valses lentes Tendrement (1897) et Je te veux (1900), Poudre d'or (1902) pour piano, ou encore les Esquisses & Sketch Montmartrois. Les titres de ses pièces deviennent de plus en plus énigmatiques et déroutants, complétés par des annotations burlesques ou de petits poèmes tels Pièces Froides (1897)8, Trois Morceaux en forme de poire (1903), Prélude en tapisserie (1906). Cette dernière avec Passacaille et la série de ses Douze Petits Chorals sont empreintes de son passage à la Schola Cantorum: l'écri­ture musicale y est moins verticale et devient plus polyphonique.
La deuxième période créatrice d'Erik Satie serait ce que l'on appelle sa période humoristique. Il donne à ses pièces des titres comiques, énigmatiques et cocasses. Par exemple, En habit de cheval (1911), Préludes flasques (pour un chien) (1912), Le Piège de la Méduse (1912-1921), Croquis et Agaceries d'un gros bonhomme en bois (1913), Chapitres tournés en tous sens (1913), Embryons desséchés (1913), Vieux Sequins et Vieilles cuirasses (1913), Choses vues à droite et à gauche (sans lunettes) pour violon et piano (1914), Sports et Divertissements (1914) ou encore Les Trois Valses distinguées du précieux dégoûté (1914), Trois Mélodies (1916), atteignant son apogée avec le ballet Parade (1917).
Enfin, sa dernière période est plus éclectique. En effet, il alterne entre l'écriture de pièces expé­rimentales telles que ses essais de « Musique d'ameublement » et pour le cinéma, mais aussi il re­vient à une musique plus épurée avec ses derniers Nocturnes, à l'humour avec Ludions (1923) pour voix et piano, et enfin au style du « caf'conc' » avec La Belle Excentrique (1920). Il retrouve une dernière fois l'univers du ballet avec Mercure (1924) et Relâche (1924). Dans ses dernières compo­sitions, Satie réduit le matériau musical au stricte minimum se refusant à le développer, il le simpli­fie et le répète.


III. La musique d'ameublement
Erik Satie fait ses premières expériences de « musique d'ameublement » en composant Carrelage phonique et Tapisserie en fer forgé en 1917. Mais c'est le 8 mars 1920, à la Galerie Barbazanges, qu'il dévoile au public son nouveau concept, avec la complicité de Darius Milhaud. En effet, c'est au cours des deux entractes de la pièce Ruffian toujours, Truand jamais de Max Jacob que Satie teste sa musique qui n'est pas faite pour être écoutée, mais pour « décorer », avec Chez un bistrot et Un salon.
Le public est alors invité à se promener, discuter, boire pendant que quelques instrumentistes, disséminés aux quatre coins de la salle, jouent invariablement ces deux pièces qui reprennent quelques mesures de Mignon d'Ambroise Thomas (1811-1896) et de la Danse macabre de Camille Saint-Saëns (1835-1921). Cependant, le public n'a pas agit comme Satie l'aurait souhaité. Selon Milhaud « [...], aussitôt que la musique commença, les auditeurs se dirigèrent rapidement vers leurs places. Satie eut beau leur crier: « Mais parler donc! Circulez! N'écoutez pas! » Ils se taisaient. Ils écoutaient. Tout était raté. » Pourtant, l'organisateur Pierre Bertin avait expliqué au public qu'il ne devait pas attacher d'importance à cette musique, et de faire comme si elle n'existait pas. Il précise même qu'elle « [...], prétend contribuer à la vie, au même titre qu'une conversation particulière, qu'un tableau de la galerie, ou que le siège sur lequel on est, ou non, assis. »9
Ces deux pièces sont écrites dans l'esprit de la musique des « cafés concerts », contrairement à Carrelage phonique et Tapisserie en fer forgé. La « Musique d'Ameublement » est immobile, répé­titive et décorative, caractérisée par la simplicité de son écriture et du matériau musical non déve­loppé. Dans la production de Satie, on trouve ces caractéristiques dans des pièces antérieures telles Gymnopédies, Le Fils des étoiles, Vexations (1895), Prélude en tapisserie (1906) ainsi que Socrate.
Commandé en 1916 par la Princesse de Polignac (1865-1942) pour agrémenter ses réceptions, la musique de Socrate, créé en 1920, « [...] était destinée à meubler le récit du philosophe. »10 Ce qui compte dans cette œuvre, c'est la mise en exergue du texte, la musique est juste là comme fond sonore, comme pour décorer le texte chanté, rappelant les intonations du chant grégorien. L'autre particularité de la « Musique d'Ameublement », mais aussi de l'œuvre de Satie, est le refus de déve­loppement du matériau musical. Selon Vladimir Jankélévitch, un refus de développement de ce ma­tériau ne s'explique que parce que Satie refusait d'exprimer, il y a chez lui une « extrême discrétion dans l'expression des sentiments »11. C'était sa façon à lui de s'ériger contre le romantisme du xixe siècle.

Voilà comment Satie défini son nouveau « produit de consommation » dans une lettre destinée à Jean Cocteau, datée du 1er mars 1920:



« La « Musique d'Ameublement » est foncièrement industrielle. L'habitude – l'usage – est de faire de la musique dans des occasions où la musique n'a rien à faire. Là, on joue des « Valses », des « Fantaisies » d'Opéras, & autres choses semblables, écrites pour un autre objet.
Nous, nous voulons établir une musique faite pour satisfaire les besoins « utiles ». L'Art n'entre pas dans ces besoins. La « Musique d'Ameublement » crée de la vibration; elle n'a pas d'autre but; elle remplit le même rôle que la lumière, la chaleur & le confort sous toutes ses formes.

La « Musique d'Ameublement » remplace avantageusement les Marches, les Polkas, les Tangos, les Gavottes, etc.

Exigez la « Musique d'Ameublement ».

Pas de réunions, d'assemblées, etc., sans « Musique d'Ameublement ».

La « Musique d'Ameublement » n'a pas de prénom.

Pas de mariage sans « Musique d'Ameublement ».

N'entrez pas dans une maison qui n'emploie pas la « Musique d'Ameublement ».

Celui qui n'a pas entendu la « Musique d'Ameublement » ignore le bonheur.

Ne vous endormez pas sans entendre un morceau de « Musique d'Ameublement », ou vous dormirez mal. »
12



Selon un témoignage du peintre Fernand Léger (1881-1955):

« Nous déjeunions, des amis et lui dans un restaurant. Obligés de subir une musique tapageuse, insupportable, nous quittons la salle et Satie nous dit: « Il y a tout de même à réaliser une musique d'ameublement, c'est-à-dire une musique qui ferait partie des bruits ambiants, qui en tiendrait compte. Je la suppose mélodieuse, elle adoucirait le bruit des cou­teaux, des fourchettes sans les dominer, sans s'imposer. Elle meublerait les silences pesant parfois entre les convives. Elle leur épargnerait les banalités courantes. Elle neutraliserait, en même temps, les bruits de la rue qui entrent dans le jeu sans discrétion. » Ce serait, disait-il, répondre à un besoin. »13

Erik Satie, en visionnaire, avait donc saisi le besoin de plus en plus manifeste d'un fond sonore que les gens de son époque souhaitaient pour accompagner, voire « décorer », leurs activités quoti­diennes. Cette musique serait employée dans des circonstances particulières, afin d'aménager l'espace sonore. Par exemple, Carrelage phonique est destiné à être donné « pour un lunch ou un contrat de mariage », alors que Tapisserie en fer forgé doit être exécuté « dans un vestibule, pour l'arrivée des invités ». Erik Satie renouvèle l'expérience en 1923 avec Tenture de cabinet préfectoral pour Madame Eugene Meyer. Cela dit, son concept de « Musique d'Ameublement » trouve tout son sens en 1924 avec Cinéma, musique pour le film Entr'acte de René Clair. Ici, la mu­sique – succession de motifs simples et répétés, s'enchaînant parfois brusquement sans transitions – accompagne les scènes du film mais sans prendre une grande place. Ce qui compte c'est le film, le spectateur ne doit pas se focaliser sur la musique, mais elle contribue simplement à l'émotion cinématographique14.
Dans sa conception, Satie propose d'intégrer la musique dans notre vie quotidienne. Cela rompt complètement avec l'habituelle attitude d'écoute de ses contemporains. A l'époque, lorsque l'on vou­lait entendre de la musique, on se rendait dans ses lieux de diffusions (la salle de concert, l'Opéra) où l'on paie sa place pour l'écouter, voire la contempler, dans un silence religieux. Or, la « Musique d'Ameublement » de Satie ne nécessite pas de l'écouter attentivement ou de la contempler, mais au contraire de vivre avec elle. Il s'agit alors de l'insérer dans certaines circonstances de notre vie, comme on le fait avec les objets qui nous entourent dans notre quotidien. Avec son concept, le com­positeur désacralise délibérément l'écoute musicale. Ce type de musique ne doit pas attirer l'atten­tion, elle est présente mais on ne doit pas se focaliser sur son écoute. C'est la raison pour laquelle elle ne repose pas sur un thème mais un simple motif de quelques mesures, harmonisé, non déve­loppé et répété, joué par un petit ensemble.15
En effet, Satie distingue tout de même cette « Musique d'Ameublement » et celle qui relève de l'Art. Celle-ci n'a pas sa place dans son concept, c'est-à-dire que les œuvres musicales ne doivent pas être utilisées comme fond sonore alors qu'elles requièrent une écoute attentives, elles sont faites pour être contemplées. Selon Satie, la « Musique d'Ameublement » doit répondre à un besoin, alors que « la grande musique » ne peut pas être réduite à un simple objet consommation destiné à nos besoins. Précisons que ce besoin est d'ordre secondaire et non vital.
A ce propos, la musique, l'art, ne sont pas des besoins indispensables à notre survie – comme le fait de se nourrir, respirer ou encore de se reproduire – mais ont la capacité, quelque part, de rendre plus agréable notre existence, de l'aménager ou de l'embellir, au même titre que les bâtiments pu­blics, des tableaux, ou encore des objets de décorations.

Avec son nouveau « produit de consommation », Satie rejoint l'idée développée dans « La crise de la culture » d'Hannah Arendt, à savoir que l'art ne doit pas être assimilé à un objet de consomma­tion. En effet, il n'est pas destiné à être consommé, sinon il finit par perdre sa principale fonction qui est d'émouvoir par-delà les siècles. Or, avec l'avènement de la société de masse au xxe siècle, la culture est devenue un loisir, et les œuvres d'art sont consommées comme n'importe quel objet de consommation, dans le seul but de se divertir et d'occuper nos temps libre. La culture de masse a donc fini par assimiler l'Art à ce que Arendt appelle le « processus vital », c'est-à-dire la vie, tout ce qui est nécessaire à la vie et à la survie de l'homme. Mais « pain et divertissement », l'alimentation et la culture, la vie et l'art, font parti du « grand cycle de la vie ».
Au sein d'une culture de masses, l'Art, assimilé aux loisirs, a désormais comme fonction celle de divertir, il est devenu un phénomène de la vie répondant aux besoins de l'Homme. Alors qu'en réali­té, les œuvres d'art ne sont pas destinées à être consommées, mais fabriquées pour le monde, car c'est ce qui constitue notre héritage culturel. Elles doivent alors être exclues du processus vital car elles constituent notre patrimoine commun, notre culture, elles aménagent notre monde, notre « maison terrestre » le temps de notre vie sur Terre. Elles ne doivent donc pas avoir de fonctions utilitaires. Voilà pourquoi la musique d'ameublement ne rentre pas dans le critère de « l'Art » car elle n'a pas d'autre but que d'être utilitaire, voire de divertir. Contrairement aux musiques savantes, la musique d'ameublement rend impossible la contemplation.
D'autre part, au cours du xxe siècle, le concept de « Musique d'Ameublement » s'est généralisée. L'avènement du cinéma muet a fini par attribuer à la musique une fonction de fond sonore, dans un premier temps destiné aux films, puis dans notre vie quotidienne. Les supports de stockage, toujours plus innovant, permettent aux masses d'écouter, autant de fois qu'elles le désirent, leurs airs préférés à tout moment et n'importe où. En effet, avec le phonographe et la radio, le statut de la musique – jazz, chansons populaires, mais aussi toute la musique savante antérieure au xxe siècle – a été relé­gué au rang de « musique d'ameublement ». Les procédés d'enregistrements, de la « reproductibilité technique »16 de l'art, ont fait de la musique un « objet » indispensable à notre confort de vie.
Par exemple, on écoute volontiers de la musique lors de nos déplacements en voiture (auto-radio ou baladeurs), sur le lieu de travail, à l'occasion de réceptions, de fêtes, ainsi que dans les lieux pu­blics (ascenseurs, parkings, supermarchés, restaurants, etc). Cette nécessité d'un fond sonore fait qu'un trajet en voiture ou à pied devienne plus agréable; entendre de la musique tout en travaillant semble rendre le travail moins pénible et fait passer plus vite le temps. Tout en l'écoutant d'une oreille distraite, elle nous tient compagnie.
Cependant, selon Adorno, disposer ainsi de la musique, grâce à l'enregistrement et ses moyens de stockage, amène les masses à entendre de la musique divertissante, leurs airs préférés, de façon répétitive. Cette attitude entraîne une « fétichisation » de certaines musiques, et la musique savante n'y a pas échappé. Le fétichisme d'un air, ou d'une œuvre, conduit à une régression de l'écoute. Les auditeurs adoptent une attitude enfantine envers la musique: ils veulent qu'on leurs servent toujours la même chose. Le danger est que la musique, mais aussi la musique savante, soit assimilée à de la valeur marchande. Les masses désirent avoir, toujours plus proches d'elles, l'objet qu'elles veulent posséder.17 La musique à quitter son lieu de diffusion privilégiée – la salle de concert, l'opéra, l'é­glise, les cafés concert – pour être encore plus exposée, affectant sa nature même d'œuvre d'art.

Conclusion
L'œuvre d'Erik Satie, encore male connue, est à la fois déroutante, drôle, émouvante et provoca­trice. Il comprend la musique comme un objet que l'on mesure, manipule, ou consomme: « [...] il s'agit bien de superposer des matériaux, des formes, des couleurs, des sujets incompatibles, jusqu'à suggérer une quotidienneté absurde, insensée, mais qui donne finalement comme en rêve l'impres­sion d'être aussi juste que celle à laquelle nous sommes habitués. »18
L'idée de la « Musique d'Ameublement » de Satie rompt avec la sacralisation de l'écoute, et in­sère la musique comme un décor sonore aux différents instants de notre vie. En d'autres termes, il invitait ses contemporains à « [...] transposer dans le domaine de l'oreille ce qu'ils acceptaient de­puis des siècles dans le domaine de l'oeil: une simple amélioration de leur cadre de vie. »19 Toutefois, comme Satie le précise, cette musique n'est pas une œuvre d'art, faite pour être contem­pler. C'est simplement un motif de quelques mesures, indéfiniment répété, pour tel ou tel évènement précis de notre vie.
Or, le statut de la musique s'est modifié avec l'avènement de la reproductibilité de l'art. Elle est devenue de la musique d'ameublement, indifféremment utilisée comme ambiance sonore dans nos nombreux espaces de vies publics et privés, ou dans les spots publicitaires. Cela concerne toute les musiques, mais elle touche plus particulièrement la musique dite populaire (jazz, rock, pop, musique électro, etc).
Aujourd'hui, l'accessibilité de la musique s'est encore élargie, et divers moyens technologiques sont proposés tels internet, le lecteur mp3, ou encore sur son propre téléphone portable. La musique écoutée sur le mobile devient un « accessoire » de mode, qui complète le « look » de la personne qui l'écoute, tout en exposant aux autres ses préférences musicales grâce à un haut-parleur intégré au téléphone, dont la qualité est médiocre. La musique n'a donc jamais était aussi utilitaire que de nos jours. Ajoutons que la musique diffusée sur ces nouveaux moyens d'écoute est prévue à cet effet, ce sont majoritairement des musiques dites populaires, prêtes à l'emploi et à être consommées.
Il n'y a donc plus contemplation de la musique, elle doit nécessairement être utile: « musique d'ameublement », pour danser, illustrer, ou encore faire vendre. Il semble que seuls les rares « initiés » écoutent de la musique pour la contempler et vivre une expérience esthétique.

David SALVADOR




1Organiste de l'église Sainte Catherine à Honfleur à partir de 1869, il fut l'élève de Louis Niedermeyer (1802-1861).
2Fondée par Stanislas de Guaïta (1861-1897) en 1889, il s'agit à l'origine d'une secte qui se constitua en Allemagne au début du XVIIIe siècle et dont la doctrine repose sur une interprétation du christianisme inspirée par les doctrines théosophiques et alchimiques.
3Il s'agit d'une école de musique fondée en 1894 par Charles Bordes (1863-1909), Vincent d'Indy et Alexandre Guilmant (1837-1911) dans le but de restaurer le chant religieux, de redécouvrir et d'étudier la musique du passé, notamment les chants grégoriens, afin d'aboutir à un renouveau musical.
4Visite au Fort de Bicêtre et un pique-nique à Verrières-le-Buisson.
5Le « Groupe des Six » réunissait les compositeurs Darius Milhaud (1892-1974), Francis Poulenc (1899-1963), Arthur Honegger (1892-1955), Georges Auric (1899-1983) Louis Durey (1888-1979) et Germaine Tailleferre (1892-1983).
6Satie donna également une série de conférences en Belgique au début des années vingt. Ce fut son unique voyage à l'étranger, il n'a jamais quitter Paris et Arcueil.
7La barre de mesure est ce qui divise la musique en mesures d'unité de temps égales, le premier temps après la barre est un temps fort et permet une compréhension de l'interprétation musicale. Dans le cas de Satie, ce sont les phrases musicales et les rythmes qui orientent l'interprétation. L'absence des barres de mesure se retrouvent dans certaines œuvres telles que Gnossiennes (1890), Sonneries de la Rose-Croix, Danses gothiques, Pièces Froides (1897), Sports et divertissements, entre autres.
8Avec ses « Airs à faire fuir » et ses « Danses de travers ».
9Templier Pierre-Daniel, Erik Satie, Paris, Éditions d'aujourd'hui/Les introuvables, 1976.
10Idem.
11Jankélévitch Vladimir, « Satie et le matin », La musique et les heures, Paris, Éditions du Seuil, 1988.
12Satie Erik, Correspondance presque complète, Ornella Volta éd., Paris, Fayard/IMEC, 2000.
13Olivier Philippe, Aimer Satie, Paris, Hermann, 2005.
14Templier Pierre-Daniel, Erik Satie, Paris, Éditions d'aujourd'hui/Les introuvables, 1976.
15Pour exemple, voir la partition de Carrelage phonique, au début de l'article.
16Walter Benjamin, « L'œuvre d'art à l'ère de sa reproductibilité technique », Œuvres, Tome III, Paris, Editions Gallimard, 2000, trad par Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre Rusch.
17Idem.
18Politis Hélène, « Sermons humoristique (les Écrits d'Erik Satie) », Écrits pour Vladimir Jankélévitch, M. Basset, Paris, Flammarion/Sciences humaines, 1978.
19Lajoinie Vincent, Erik Satie, Lausanne, Éditions l'Âge d'Homme, 1985.

Bibliographie
Adorno Theodor W., Le caractère fétiche dans la musique et la régression de l'écoute, Paris, Editions Allia, traduit par Christophe David, 2003.

Arendt Hannah, « La crise de la culture », La crise de la culture, huit exercices de pensée politique, Paris, Gallimard/Folio essais, traduit par Patrick Lévy, 1972.

Jankélévitch Vladimir, « Satie et le matin », La musique et les heures, Paris, Editions du Seuil, 1988.

Lajoinie Vincent, Erik Satie, Lausanne, Editions l'Age d'Homme, 1985.

Olivier Philippe, Aimer Satie, Paris, Hermann, 2005.

Rey Anne, Satie, Paris, Seuil/Collection « Solfèges », 1995.

Satie Erik, Correspondance presque complète, Ornella Volta éd., Paris, Fayard/IMEC, 2000.

Satie Erik, Ecrits, Ornella Volta éd., Paris, Editions Champ Libre, 1977.

Shattuck Roger, « Erik Satie, 1866-1925 », Les primitifs de l'avant-garde, Paris, Flammarion, traduit par Jean Borzic, 1974.

Templier Pierre-Daniel, Erik Satie, Paris, Editions d'aujourd'hui/Les introuvables, 1976.

Volta Ornella, Erik Satie, Editions Hazan/Lumières, Paris, 1997.

Volta Ornella, L'ymagier d'Erik Satie, Paris, Editions Francis Van de Velde/Théâtre National Opéra de Paris, 1979.

*De nombreuses pièces de Satie existent sur YouTube, ainsi que le film Entr'acte.